dimanche 20 septembre 2015

Le politicien le plus estimable de l'histoire du Québec

Paul-Émile Lamarche (1881-1918)
Homme politique canadien-français,
défenseur de nos droits nationaux.

Il est très probable que vous ne connaissez pas, ou du moins que très peu, Paul-Émile Lamarcheet même que vous n'ayez jamais entendu parler de lui. 

Pourtant, cet homme politique né à Montréal en 1881 et mort à 36 ans seulement dans cette même ville, victime de l'épidémie de grippe espagnole ayant frappé le Québec en 1918, était d'une telle intégrité, d'une telle fidélité à ses principes et convictions, et d'un tel attachement aux droits et à l'identité de la nation canadienne-française - comme on nommait jadis la nation québécoise - qu'il se sera révélé comme l'homme politique le plus estimable que l'histoire québécoise aura produit. 

Mais encore faut-il, pour qu'il soit enfin reconnu comme tel, que l'on répare l'injustice qu'est l'oubli quasi-total dans lequel Paul-Émile Lamarche a sombré dans notre mémoire collective. C'est ce que nous nous proposons de faire, ne serait-ce que de nos faibles moyens, par ce présent billet que nous lui dédions. 

Il est d'autant plus essentiel de nous souvenir que notre peuple a déjà produit un politicien de cette envergure, que le Québec d'aujourd'hui éprouve un cruel et urgent besoin de leaders de la qualité, de l'intégrité, de l'intelligence, du dévouement et de la trempe d'un Paul-Émile Lamarche, et ce, surtout quand on prend en compte le fait que l'État québécois, sous la gouverne d'un Philippe Couillard, est présentement détourné au détriment de notre identité nationale et à l'encontre de nos propres intérêts. 

Car il faut voir les choses pour ce qu'elles sont : jamais notre classe politique, dont le parti de Couillard représente le pire que l'on puisse concevoir, n'aura été aussi pitoyable, minable, lâche, corrompue, insignifiante, sinon dangereuse, qu'elle ne l'est actuellement. Et cela, pour une large part, est de notre propre faute car nous n'avons, comme le rappelait souvent Paul-Émile Lamarche, que les politiciens que nous méritons car ils ne sont que le reflet de nos médiocrités, paresses et lâchetés collectives. 

Il faut donc que l'on se secoue, que l'on se ressaisisse, tellement est colossale l'ampleur du nécessaire redressement national auquel il est devenu urgent de nous atteler. Et pour cela, nous avons besoin d'inspiration. Et de l'inspiration, le souvenir de Paul-Émile Lamarche peut à lui tout seul nous en donner à revendre. 

Lamarche était avocat, et, de 1911 à 1916, il a été député de Nicolet au parlement fédéral. Il était à ce titre l'un parmi la vingtaine d'élus nationalistes à avoir été élus par le Québec, mais il est le seul parmi eux qui soit resté fidèle à la défense des droits de notre nationalité et qui, pour cela, rejeta sans la moindre hésitation toutes les tentatives de séduction que le pouvoir fédéral avait déployées à son endroit. Pour tout dire, Lamarche était tout sauf un vendu, et même s'il n'était pas riche, il était impossible de l'acheter.

En avril 1912, avec son confrère député nationaliste Armand LaVergne,
Paul-Émile Lamarche s'est rendu à Saint-Boniface, au Manitoba, pour
soutenir la lutte des Francos-Manitobains pour leurs droits attaqués. 
La délégation dont ils faisaient partie n'a pas manqué de rendre 
hommage à Louis Riel sur sa tombe au cimetière de Saint-Boniface.
On aperçoit Lamarche à droite, tenant son chapeau et un document, 
et Armand Lavergne est de l'autre côté, le quatrième à partir de la 
gauche, s'appuyant sur une cane et lui aussi avec son chapeau en main.

Dans ses Mémoires intitulés Trente ans de vie nationale
Armand LaVergne raconte : « Le lendemain nous devions
traverser à Saint-Boniface, honorer les martyrs. Nous nous
acquittâmes de ce devoir en [...] déposant une couronne,
au nom des Canadiens-Français, sur la tombe de Louis Riel.
Celui-ci au moins préféra la mort au déshonneur ». 

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


En 1912, Lamarche déclarait : 

«Je suis mon seul maître, comme député de Nicolet. Ma voix est bien à moi et j'en userai comme il convient, sans prendre d'ordre de qui que ce soit. Mes commettants, mes compatriotes et le peuple sont mes seuls juges. J'ai confiance en eux, quel que soit le sens qu'on prête à mes paroles ce soir. Toutefois, si je suis indépendant, je ne crains pas, quand je défends ou combats une mesure quelconque, de tendre une main loyale à l'homme public assez courageux, assez énergique pour se lever et prendre la défense de sa langue et de sa race ; de même je la lui refuserais, si je le sentais disposé à trahir sa nationalité et la langue de ses pères. Tes sont mes attitudes, ma politique.»

Le 5 mars de la même année, Lamarche affirma à la Chambre des communes cette vérité qui, plus de cent ans plus tard, reste d'une brûlante actualité : 

«Les défaites subies par les Canadiens français dans l'arène parlementaire ont eu pour cause non seulement les injustices d'une intolérante majorité, mais surtout les défaillances de la minorité, inspirées trop souvent par des mobiles d'intérêt ou par manque de courage ou de véritable esprit public.»

Puis, toujours à la Chambre des communes, le 1er février 1916, Paul-Émile Lamarche prononça un percutant discours, dans lequel il affirmait : 

«Quelques-uns ont rêvé un jour de nous noyer dans un flot d'immigration mal assortie. L'expérience démontre que, plongée dans cette solution cosmopolite assimilée à la hâte, [l'identité des Anglo-canadiens] comme nation distincte en a subi des dommages, mais que la nôtre est restée absolument intacte. Peut-on encore une fois nous faire des reproches, parce que nous avons résisté à toutes ces dures épreuves ? 

Nos collègues de langue anglaise qui occupent des sièges dans cette Chambre des communes, et pour lesquels j'ai beaucoup d'estime, connaissent mal, je crois, la population française de la province de Québec et ses aspirations. Ils croient cependant la connaître parce qu'ils frôlent de temps à autre quelques politiciens d'occasion, dont l'esprit d'arrivisme empêche de refléter les véritables sentiments du peuple. Ils nous connaissent, ou plutôt croient nous connaître, parce qu'ils se complaisent à lire certains de nos journaux qui leur prodiguent l'encens en proportion de la pitance que le gouvernement leur sert. Dans ces journaux qui nous font plus de tort que de bien, les articles de fond semblent écrits avec un manche de fourchette, et sur une huche remplie de pain [et n'expriment] que les idées mesquines de leurs actionnaires».

Le dernier discours majeur de Paul-Émile Lamarche a eu pour cadre la salle de conférence de la bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal, le 27 septembre 1917. De la brochure ayant été diffusée de ce texte, on peut notamment lire, en plus d'un condensé des principes et convictions qui ont animé Lamarche tout au long de son engagement citoyen et politique, ce puissant rappel à la priorisation de notre intérêt national et à nous élever comme peuple au-dessus de la médiocrité et de la lâcheté :

«Vouloir abolir les partis politiques serait une tâche herculéenne et peut-être une mesure trop radicale. Les énergies qu'on y dépenserait seraient mieux utilisées à enrayer l'esprit de parti qui a pris la place de l'esprit public. Voilà l'abus. Voilà le mal. 

Au fond, les partis et les gouvernements décadents, dilapidateurs, irrespectueux des lois et de la tradition nationale sont presque toujours l'indice d'une opinion publique insouciante, endormie ou corrompue. Les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent. Ceux qui ont développé chez eux de l'esprit public, de la vigilance, du caractère, ont eu des gouvernements respectueux de l'ordre et de la justice et des partis politiques prudents, parce qu'ils étaient craintifs. En politique, la crainte de l'électeur est le commencement de la sagesse. 

Débarrassons-nous donc du fétichisme et de la partisanerie politique. Remplaçons-les par le culte de l'intérêt national. Dégageons notre politique du matérialisme pesant qui l'oblige à se tenir près de terre et l'empêche de s'élever jusqu'aux sphères supérieures. Rappelons à nos partis politiques et à nos hommes publics que le progrès d'un pays ne consiste pas seulement dans l'augmentation de ses revenus et dans son développement matériel, mais que les nations, comme les individus, sont susceptibles d'avancement intellectuel et moral. 

[...] Regénérons l'opinion publique. Travaillons à l'intérêt national. Le pays est là qui attend, immense de ressources et de richesses, plein de vigueur, d'espérance et d'avenir. Secouons nos ailes et élevons-nous. Nous sommes déjà en retard». 

Pour un aperçu plus complet du parcours de ce grand compatriote aussi inspirant qu'estimable, je vous invite à consulter, ICI, l'excellente recension que mon estimé ami Yves Thériault a écrite en 1985 sur l'ouvrage biographique que le professeur Réal Bélanger a consacré à Lamarche. Il est à noter que même si cette biographie de 440 pages est parue en 1984, elle est encore disponible aux Presses de l'Université Laval, où on peut ICI la commander en ligne pour seulement 20,00 $, un investissement qui en vaut vraiment la chandelle. On peut aussi la commander dans toute bonne librairie. 

Outre les témoignages de ses contemporains que vous pouvez parcourir ci-dessous, on peut également consulter ICI le texte de la conférence sur la démocratie et la nation que Paul-Émile Lamarche donnait en septembre 1917 à la Bibliothèque Saint-Sulpice, à Montréal. 

Biographie de Paul-Émile Lamarche,
toujours disponible aux
Presses de l'Université Laval.
Cliquer ICI pour informations.


TÉMOIGNAGES DE SES CONTEMPORAINS 

Outre donc cette indispensable biographie, on peut mesurer la grandeur de Paul-Émile Lamarche, de même que son potentiel d'inspiration aujourd'hui, près de 100 ans après sa mort, en parcourant les témoignages de ses contemporains. 

J'ai donc sélectionné pour vous les extraits suivants d'un livre paru aux éditions de L'Action française un an après sa mort et dont le titre est Paul-Émile Lamarche, Oeuvres - Hommages, dont la première moitié réunit les principaux discours et écrits de Lamarche, et la deuxième les témoignages de ceux qui l'ont connu et qui, nombreux, ont été ses amis et compagnons de lutte. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Le premier contributeur de cet ouvrage est Albert Lozeau, l'un de nos meilleurs poètes, qui composa ce vibrant hommage poétique : 

      PAUL-ÉMILE LAMARCHE

      Il fut le chevalier sans heaume et sans cuirasse
      Qui, du seul vêtement de son courage armé,
      Par l'amour du bon droit noblement animé,
      Descendit dans l'arène y défendre sa race. 

      Le front pur, comme ceux que la Victoire embrasse,
      Sans souci que son nom fût par tous acclamé,
      Il lutta fermement, paladin enflammé
      Dont le verbe incisif désarçonne et terrasse. 

      Il est mort vaillamment, tel qu'il avait vécu. 
      Comme un preux d'autrefois tombé, mais non vaincu,
      Il nous lègue son geste en ces temps pleins d'alarmes...

      Quel espoir surgissait dès que nous le nommions !
      Hélas ! hélas ! Qu'il sache au moins que nous l'aimions, 
      Voyant notre fierté toute humide de larmes ! ...

      Albert LOZEAU

(Tout ce qui suit a été puisé dans ce même volume).

Le 12 octobre 1918, soit au lendemain de la mort de Lamarche, dans un article intitulé Désintéressement et droiture, le journal La Patrie soulignait que :

«... dans la personne de M. Lamarche disparaît non seulement une de nos plus grandes figures, mais surtout un politicien d'une honnêteté et d'un courage moral des plus remarquables. La sincérité fut toujours la base de ses opinions politiques et sociales. [...] Entré au Parlement alors qu'il n'avait pas trente ans, le regretté aurait pu devenir une des têtes dirigeantes du pays, si sa conscience lui avait permis de transiger avec le devoir et la loyauté.»

Le même jour, le quotidien Le Droit publiait lui aussi un vibrant hommage, dont voici un extrait : 

«M. Lamarche fut un des quelques vingt nationalistes qui entrèrent au Parlement en 1911 et il fut le seul qui demeura inébranlable devant le pouvoir. Lors du débat mémorable des écoles du Keewatin, le jeune député de Nicolet fit une impression profonde au milieu de la députation, par l'exposition claire et serrée des droits des minorités françaises. Croyant qu'il était toujours dangereux de se rire de la constitution établie du pays, il ne voulut pas accepter la prolongation du terme parlementaire de 1916, et dans un discours mémorable et qui resta sans réponse, il combattit vigoureusement ce projet et annonça que n'ayant plus de mandat du peuple, il n'était plus député. Il donna sa démission. 

La vie politique de M. Lamarche ne fut pas précisément longue, mais elle fut bien remplie et elle restera dans l'histoire comme un modèle que nos jeunes qui voudront se lancer dans la politique feront bien d'imiter».

Léon Lorrain, dans Le Nationaliste du 13 octobre 1918, écrivait pour sa part :

«Il semblait pressé de vivre. D'une extraordinaire activité intellectuelle, il voulait tout savoir, tout comprendre. Ce n'était pas un dilettante. Ce qu'il acquérait, il le mettait au service de sa nationalité, car il considérait toute chose du point de vue général : aucun fait, aucune idée ne lui apparaissait autrement qu'en tant que facteur susceptible d'avoir des répercussions sur la collectivité. Il aimait le peuple non pour s'en servir, mais pour le servir.»

Le même auteur ajoutera un mois plus tard, dans le périodique Le Petit Canadien

«Esprit curieux, juste et ferme, il éprouvait un irrésistible besoin de connaître, de raisonner, de conclure. À l'époque où les fausses nouvelles et les informations colorées font le tour du monde en quatre-vingt minutes, où les braves gens sont d'autant plus trompés qu'ils se croient malins, Lamarche avait, devant les affirmations généralement acceptées, un scepticisme cartésien. À l'époque où des bonshommes, que la plupart du temps nous ne connaissons même pas, pensent pour nous moyennant un sou par jour, Lamarche avait l'originalité de penser par lui-même. Personne ne peut se vanter de lui avoir bourré le crâne : c'est peut-être le meilleur éloge qu'on puisse faire de son intelligence. Épris de vérité, il ne se formait une opinion qu'après étude et réflexion, et rien ne l'impatientait autant que celui qui parle sans savoir et juge sans connaître». 

Dans Le Devoir du 14 octobre 1918, Omer Héroux souligna notamment le faible souci de Lamarche au sujet de son propre ego, tout ce qui importait pour lui étant non pas sa propre gloriole mais ce qui pouvait être le plus utile à la cause nationale. C'est que Lamarche était conscient de toute la stérilité, de toute l'inutilité et, aussi, de toute la sottise de la vanité et de la prétention, sans parler de l'enfantillage ridicule et grotesque des narcissiques qui, étant avant tout épris d'admiration pour eux-mêmes, veulent être vus et entendus à tout prix même s'ils n'ont rien d'utile ou de neuf à dire :

«On apprendra aussi, écrivait donc Héroux, comment l'orateur qui ne craignait point les responsabilités savait à l'occasion se dissimuler, laisser aux autres la vedette, sacrifier à la cause l'éclat d'un premier rôle.»

Le même jour et dans le même journal, Ernest Bilodeau rappelait quant à lui : 

«À la fin de la cinquième session, le député de Nicolet, de cette voix pleine et incisive dont on ne peut croire qu'on ne l'entendra plus, fit ses adieux au Parlement en condamnant le projet de prolongation dont il était question. Les Anglais regardaient avec étonnement ce jeune avocat sans fortune qui rejetait du bout du pied une, peut-être deux indemnités sessionnelles, pour une simple satisfaction de conscience. Cet acte leur est resté gravé dans la mémoire et forme aujourd'hui la note dominante de leurs souvenirs et commentaires, tant dans leurs journaux que dans les conversations. Cet acte de valeur morale et de désintéressement impressionna jusqu'aux plus violents ennemis de notre nationalité et nul d'entre eux ne trouva un mot d'attaque à l'adresse du démissionnaire. 

Aussi est-ce entouré du respect universel qu'il descend aujourd'hui dans cette tombe où sa race le regarde avec des larmes de regret affectueux et reconnaissant. C'est la fin d'une carrière féconde et généreuse, et qui serait sans doute devenue plus grande encore avec la pleine maturité de l'âge et du talent».

Le 17 octobre suivant, toujours dans Le Devoir, c'était au tour d'Édouard Montpetit, ami de Lamarche, d'exprimer sa douleur face à cette perte pour lui-même et pour la patrie :

«L'amour profondément raciné de la nation aux généreux aspects, des traditions les unes modestes, les autres grandioses jusqu'au sublime, de la langue maternelle et chère, du droit qui façonne le peuple, des moeurs si colorées, de la petite vie même dont l'obscurité est encore belle à cause de son principe résistant comme une étoffe du pays, tout cela est-il donc nouveau parmi nous ? Non. Toute notre littérature en est faite; et toute notre histoire n'est qu'un sentiment d'amour. Mais que l'ont ait tiré de ce sentiment l'origine vivifiante d'une idée-force, que l'on ait raisonné en parlant de l'amour, que l'on ait fait rayonner de cette puissance interne la totalité de nos énergies, cela nous paraît renouvelé sinon nouveau, et cela nous semble d'une fécondité insoupçonnée s'il en peut naître enfin une philosophie qui nous soit propre, inspiratrice, sûre. À cela, Lamarche aura donné son coeur. C'est un héritage que nous acceptons.  

[...] On connaît sa brillante carrière politique. La nation se plaisait à le savoir parmi ses représentants : elle en éprouvait un réconfortant orgueil. Il accueillit cette vague de popularité et sut s'en montrer digne. Il soutint plus d'un combat. On a fait observer qu'il luttait sans arrêt, non seulement à la tribune mais jusque dans les retors des couloirs et dans la vie de chaque jour. Il ne comptait pas ses fatigues, mais se livrait tout entier à l'accomplissement de la fonction où les siens l'avaient porté.  

[...] Il portait haut son titre de Canadien français; et il mettait au service de sa langue et de sa nationalité la redoutable vertu de son verbe. Il restait fidèle aux grands principes dont il s'était imprégné. Il réclamait, lui aussi, la liberté par le respect du droit. Cette formule, qu'il s'était en quelque sorte identifiée, l'apparentait à nos grands parlementaires. Il quittera la Chambre plutôt que d'abandonner ses convictions. Il était ainsi fait. Il n'eût jamais voulu sacrifier aux plus belles promesses d'avenir la satisfaction d'obéir par droiture de volonté au commandement suprême de sa conviction».

Le même jour, J.-Oscar Séguin écrivait dans le Journal de Waterloo

«Tout jeune encore, il servait de modèle aux jeunes et d'exemple aux vieux. [...] Son désintéressement et l'esprit public qui l'animait avaient fait de lui l'un de nos meilleurs hommes publics. Il a prouvé par ses actes que l'on peut être politicien sans pour cela payer tribut au servilisme. Estimé de ses amis et considéré par ses adversaires, il a su suivre la route qu'il s'était tracée, sans s'arrêter aux petits sentiers qui conduisent aux honneurs, mais où il faut invariablement sacrifier l'honneur par lambeaux aux ronces qui les ornent. Il n'a jamais transigé sur une question de principe, sa démission comme député de Nicolet en est une preuve irréfutable. De celui-là seul, le nom est écrit en lettres d'or au chapitre de l'histoire». 

Dans le Franc-Parleur du 25 octobre 1918, «R.R.» y allait pour sa part d'un hommage des plus éloquents : 

«La carrière de Lamarche offre un exemple à nos jeunes gens. Elle devrait leur inspirer le goût de l'étude, le culte du patriotisme, l'amour de la lutte, l'esprit d'abnégation et de sacrifice pour une cause chère, la soif de bien remplir une carrière et de faire fructifier dans toute leur plénitude les dons qu'ils ont reçus. 

Si nous avions eu dix Lamarche parmi nous, nous serions plus respectés que nous ne le sommes; si nous avions eu dix Lamarche parmi nous, notre nationalité serait mieux connue, plus respectée qu'elle ne l'est». 

Puis le 12 novembre 1918, Henri Bourassa signait dans Le Devoir un long hommage dans lequel on peut lire : 

«Ce que je voudrais dégager de sa vie et de son action politique, c'est l'énergie et la lucidité qu'il a mises à se dégager de la lubie parlementaire et politique. C'est cela, à mon avis, encore plus que son courage et son indépendance, qui constitue la marque caractéristique de son bref passage dans la vie publique. Le courage et la liberté d'esprit étaient chez lui vertus d'instinct. L'eût-il voulu, il n'aurait pu se retenir de dire sa pensée, d'affirmer son opinion, de heurter les préjugés, de dégonfler les creux ballons qui servent d'amorce aux partis. 

[...] Il arriva tôt à la conclusion qu'un parti n'aurait sa raison d'être, ne saurait exercer une action féconde, et même ne pourrait se maintenir, qu'à condition d'être précédé, accompagné et soutenu par une opinion publique saine, vigilante et ferme, absolument réfractaire aux moyens de séduction des partis à pouvoir. De ces constatations, son esprit logique et vigoureux avait tiré la déduction nécessaire : c'est qu'avant de faire de l'action politique, il faut faire de l'action sociale et intellectuelle, et qu'il est inutile de donner à la nation un parti national avant de lui avoir refait une conscience, une volonté et une intelligence nationales.

[...] Si j'avais à l'offrir en exemple, je le citerais surtout comme modèle à ceux que tente le démon de la politique. Il a su le vaincre.»

Enfin, le collaborateur d'Henri Bourassa, Georges Pelletier, publia son propre témoignage en trois parties parues dans les éditions des 17 et 24 novembre et 1er décembre 1918 du journal Le Nationaliste, dirigé par les brillants polémistes Olivar Asselin et Jules Fournier

«Tel fut Lamarche député : en cinq années, malgré la maladie, les soucis de la vie à gagner, les séductions puis les menaces du pouvoir, Lamarche multiplia les exemples de courage, de fermeté. Il ne devint pas remarquable seulement en se conduisant proprement. Il avait ce que Mirabeau reprochait à son roi, Louis XVI, de ne pas avoir : la volonté de vouloir. Ce que Lamarche voulait, il le voulait trois fois. Et comme il avait le cerveau clair, le coeur noble, il voulait avant tout le bien. Au courage de l'esprit il joignait celui du coeur, le dédain de l'arrivisme, un vif sentiment du devoir. Il le faisait parce qu'il s'était dès son entrée au parlement proposé de l'accomplir sans jamais capituler et aussi parce qu'il était honnête homme. 

Lamarche ne s'attendait pas à ce que cette pratique de la droiture et de la loyauté lui valût de la célébrité : "Un honnête homme se paie par ses mains de l'application qu'il a à son devoir, par le plaisir qu'il sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, l'estime et la reconnaissance qui lui manquent quelquefois", a écrit La Bruyère. Lamarche était ainsi. 

[...] Lamarche, hélas ! est mort avant trente-sept ans. Il a eu néanmoins une vie pleine, honorable, utile à sa nationalité et à ses compatriotes.»

Québécoises et Québecois du 21e siècle, souvenons-nous donc de Paul-Émile Lamarche et entendons son appel : secouons-nous et élevons-nous. Cela fait plus qu'urger tellement nos droits, notre identité et nos valeurs sont aujourd'hui menacées. [Mise à jour 11 octobre 2018Le gouvernement Couillard, dont nous venons tout juste de nous libérer] aura certes été, de toute notre histoire, le plus minable, le plus anti-national et le plus nocif à notre peuple. Mais si les Québécois ont déjà pu produire un leader politique de la trempe d'un Paul-Émile Lamarche, il pourrait peut-être en produire d'autres comme lui, car l'exemple de Lamarche prouve que nous sommes capables de beaucoup mieux que ce que nous avons présentement. Mais ça n'arrivera pas sans un peuple éveillé, allumé, conscient, informé et conséquent. 

À chacune et chacun de nous, donc, de faire sa part de l'ouvrage en s'inspirant de ce grand homme politique dont l'engagement nous rappelle à nos devoirs envers la patrie, cette terre de liberté nommée Québec.  


Édifice des Appartements Pierrefonds, angle des avenues du Parc et Villeneuve à Montréal, où se trouvait le modeste logis de Paul-Émile Lamarche, et où il est décédé le 11 octobre 1918, victime de l'épidémie de grippe espagnole qui frappa le Québec d'alors. Un peuple qui se respecte devrait faire apposer une plaque commémorative sur cet édifice. 

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